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Français local
Comme dans toutes les autres régions, le français parlé dans les Monts du Lyonnais comporte des mots, des caractéristiques phonétiques ou grammaticales, qui ne sont pas utilisés en français standard (le français décrit par les dictionnaires ou les grammaires). Ces régionalismes sont souvent employés au-delà de la région des Monts du Lyonnais. Certains s'étendent parfois à tout l'est de la France, comme le mot
patte qui désigne un chiffon ou un torchon. D'autres sont employés dans une aire qui correspond plus ou moins au domaine francoprovençal (ex.
cayon "cochon",
vogue "fête patronale", etc.) ou à une grande partie de celui-ci (ex. .boutasse
"mare" ...).
Origine des régionalismes
Cela s'explique par l'origine de ces derniers régionalismes : le français local les a empruntés au francoprovençal, en les adaptant (les noms ont perdus leur voyelle atone finale, les verbes sont conjugués conformément à la grammaire du français..). Mais tous les régionalismes du français ne viennent pas du francoprovençal : certains, par exemple, sont ce qu'on appelle des archaïsmes du français, c'est-à-dire des mots autrefois employés partout mais que les autres régions françaises ont abandonnés. D'autres sont des créations locales récentes.
Les régionalismes ne sont pas du patois: ils sont d'ailleurs employés par des personnes qui ne connaissent pas le francoprovençal. Ainsi, un enfant pourra dire, au grand désespoir de son professeur,
les aulagnes, j'y aime pas du tout ! (voir ci-dessous pour savoir ce qu'il a bien voulu dire…).
Quelques exemples fréquents dans les Monts du Lyonnais. L'ensemble du français parlé dans les Monts du Lyonnais peut être marqué par une
intonation ou un accent particuliers. Ainsi, le son eu est souvent prononcé comme dans les mots peu, heureux : le mot
jeune est prononcé comme jeûne.
La grammaire comporte également des traits régionaux, comme les adjectifs verbaux
trempe "trempé", gonfle "gonflé"… Ex. Regarde, l'horloge est
arrête. Le y utilisé comme pronom neutre complément d'objet direct sonne également de manière très étrange aux oreilles d'un
Parisien ou d'un Marseillais. Ex. J'y sais depuis qu'il m'y a dit.
Mais c'est dans le vocabulaire que les exemples sont les plus nombreux. Il peut s'agir de mots qui ne sont pas employés en français standard (ex.
un gone "gamin, gosse"), de mots qui ont un sens qui n'existent pas en français (ex.
une balle "corbeille utilisée pour transporter du linge ou des fruits"). Certains mots encore présentent des différences phonétiques avec le français (ex.
soupoudrer "saupoudrer").
Voici quelques exemples, parmi les mots les plus fréquemment utilisés. Ces mots sont issus des livres suivants :
Le parler Lyonnais, de Anne-Marie Vurpas (Rivage, 1993),
A cha peu, de Françoise Salmon et Antoine Françon (Comité de Coordination
des Monts du Lyonnais 2000).
Lexique du parler local en pays Mornantais, de Gérard Chollet (Groupe de
recherche de l'Association Patrimoine en Pays Mormantais, 2007).
abonde, n. f., dans la loc. v. faire de l'abonde : faire du profit, être avantageux, qui dure longtemps. Ex. Ce rôti me fera de l'abonde, je pourrais même en congeler un morceau.
abonder, v. tr. : suffire, arriver à (souvent dans une phrase négative). Ex. Je n'abonde plus à tout faire.
affranchir, v. tr. :
1. couper droit. Ex. Fais attention de bien affranchir le rôti.
2. rendre utilisable une poêle neuve, par ex. en faisant bouillir du lait ou de l’eau, pour enlever l'odeur ou le goût du métal et pour que les aliments n'attachent pas. Ex.
Pour affranchir une poêle, il faut la graisser : elle n'attachera plus.
S'utilise aussi en parlant de l'huile. Ex. On affranchit l'huile en la faisant bouillir avec un morceau de pain.
affreux. adj. : très important, extraordinaire. Ex. C'est affreux ce qu'elle est belle.
arpion, n. m. : orteil, ou griffe, pour les animaux. Je me suis donné un coup de pioche sur un arpion.
aulagne, n. f. : noisette. Ex. On a ramassé une quantité d'aulagnes dans la forêt.
autrefois (les), loc. n. : autrefois. Ex. Les autrefois on était moins riche, mais on était plus heureux.
bachas, bachasse, n. m. ou f. : auge en pierre ou en bois. Va te laver les mains dans la bachasse.
balme, barme, barne, n. f. : talus, coteau. Ex. La route est bordée de balmes. Ce mot peut aussi désigner la haie, qu'on
appelle aussi
sevilée.
baraban, n. m. : pissenlit. Ex. On va aller ramasser des barabans pour faire une salade. Les salades de barabans sont bonnes, surtout à la fin de l'hiver.
barouler, v. intr. : tomber en roulant. Ex. Il a baroulé dans les escaliers et s'est fait très mal. On dit aussi :
débarouler.
boutasse, n. f. : mare. Ex. Au fond du jardin, il y a une boutasse : on s'en sert pour arroser. On dit aussi :
péchure ou serve.
bugne, n. f.
1. beignet fait avec une pâte levée ou non que l'on étend au rouleau à pâtisserie. Ex. Les bugnes, c'est une spécialité de la région. On les prépare surtout le mardi gras.
Ex. : Moi je les aime craquantes.
2. bosse, coup, gifle. Ex. Il est tombé et il a une de ces bugnes !
3. Personne maladroite, peu dégourdie. Ex. C'est une vraie bugne, il a deux mains gauches.
cafi, adj. : plein, bourré, rempli à l'excès. Ex. : Les routes étaient cafies de monde, c'est miracle si on est pas écrasé. Cette année, les ronces sont cafies de mûres.
carotte, n. f. : betterave rouge. Ex. : A la cantine, il y a toujours des salades de carottes comme entrée. On dit aussi :
carotte rouge. Les carottes sont appelées racines ou racines
jaunes.
caton, n. m. : grumeau. Ex. : Ta pâte à crêpe, elle est pleine de catons.
chougner, chouiner, v. intr. : pleurnicher. Ex. : Qu'est-ce qu'il a donc à toujours chougner comme ça
cigogner, v. tr. : secouer en donnant un mouvement de va-et-vient. Ex.
: Arrête de cigogner cette serrure, tu vas la casser. On dit aussi
sigroler.
dégraissage, n. m. : nettoyage à sec. Ex. : Tu vas l'abîmer, ce pull, si tu le laves à la machine. Il faut le porter au dégraissage.
doucette, n. f. : mâche. Ex. : On pourrait manger de la doucette en entrée.
échiffre, n. f. : écharde. Ex. : En taillant le bois, je me suis enfoncé une échiffre dans le doigt.
embugner, v. tr. : heurter violemment. Ex. : J'ai eu un accident, j'ai embugné ma voiture contre un arbre ! Voir
bugne.
façon (avoir bonne ou mauvaise), loc. v. : présenter bien ou mal. Ex.
: Son fiancé a vraiment bonne façon. Il n'a pas bien bonne façon, avec ses cheveux longs et ses jeans déchirés.
gabouille, n. f. : boue liquide. Ex. Ne va pas au jardin aujourd'hui, avec cette radée (voir ce mot), ça va faire une de ces gabouilles ! On dit aussi
piautre. Le verbe gabouiller signifie patauger, barboter. Ex.
: Arrête de gabouiller, sinon tu seras tout trempe (voir ce mot).
gadin, n. m. : caillou. Ex. : Il est tout le temps en train de jeter des gadins sur les chiens, il va se faire mordre !
gauné (mal), adj. : mal habillé. Ex. : Elle n'a aucun goût, elle est toujours mal gaunée.
godiveau, n. m. : petite saucisse. Ex. Ce soir on mangera de la purée avec des godiveaux.
gonfle, adj. : gonflé, ballonné. Ex. : J'ai tellement bu dans la soirée que je suis tout gonfle.
matefaim, n. m. : sorte de crêpe épaisse. Ex. : Je fais souvent des matefaims, les enfants les aiment bien.
patte, n. f. : chiffon, torchon, morceau de tissu. Ex. : Va me chercher une patte pour laver les vitres. On dit en parlant de quelqu'un de très pâle : il est
blanc comme une patte.
pogne, n. f. : brioche ronde. Ex. : J'ai acheté une pogne chez le boulanger.
radée, n. f. : averse violente. Ex. : Quelle radée ! Ca va inonder tout le garage.
rigotte, n. f. : petit fromage de chèvre. Ex. : les rigottes de Condrieu sont réputées les meilleures.
rosette, n. f. : saucisson sec et long. Ex. : On va mettre de la rosette pour l'entrée
sous-tasse, n. f. : soucoupe. Ex. : J'ai cassé une sous-tasse en faisant la vaisselle.
trempe, adj. : trempé. Ex. : Rentrez donc un moment, vous êtes toute trempe, vous partirez quand il ne pleuvra plus.
vogue, n. f. : fête patronale. Ex. : Le jour de la vogue, il y a toujours un bal.
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