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Citi seinti creatura Byatrix de Ornaciu et una austra de ceuz de Chasonajo e una austra de ceuz des Alamanz de Greysivoudan si com jo hay entendu, et non puit unques saveir lo proprio non de cetes doves quant jo escrisevo co, descendiront de Permagni avoy les autres que li ordenos tramit en Esmuet, per comencier iqui una meyson novella. Mais puis apres elles layssaront cel lua, quar eret trop entre los seculars, et s'en retornaront en Permagny, maques cetes tres creatures que erant ja trapassees et sevelyes li una dejota l'autra el cymityero de cela meyson d'Emuet.
Mays pois apres ynsi com Deus ordonet le choses si com lui playt acunes de celes de Permagny per la revelacion de Nostrum Segnour ou de cetes tres, si com jo cuydo, veniront a la prioressa et al vicayro qui fut moynos de Val Bona et orendreyt est de Seinti Croys et appellaz donz Roz de Charis, et lour ditront que ay coventavet per forci que on alat querre les osses de celes tres seintes creatures et mont des autres paroles.
Quant vit co li diz vicayros que ay o coventavet fayre, ce alyet cela part et en ot mont de dongiers et de travayl, ancis que cil qui gardont lo lua d'Emuet i volissant layssyer co que il demandavet et que li evesques de Valenci o volit commandar. Totes veys yses com Deus o aveyt ordona oy se fit.
Oy venit li vicayros et traysit les osses de celes tres seintes creatures et metit en un sac et chargiet sus una someri ; et les osses al segnour de Tulins et pluysors autres persones metit sus un egua et poys s'ent vay.
Quant il venit al port de Teches, il trovet iqui duos escuers de ceuz al Dalphin qui aveont iqui ita tot lo jor, hay eret hora de medis, car no poont passar per l'aygui que eret for de rives; hay aveyt pion tres jors et tres noyz seyns cessar. Et se dygniet iqui avoy los dos escuers. Mays dementres qui el diseyt ses hores devant dignar tot entor los senz cors, il lour requerit que se eles voleont que un les portat en Permagny que eles fissant abeissier la ayguy en tal maneri qui el la puit passar seins peril; ou se co no, il les tornerit lay dônt il les aveyt trayt, quar il non aveyt de argent de que il puit iqui sojornar ne alar atra part.
Ay plut ades meuz que devant. Entretant il buiront una vey briament et puis charget sa egua et sa soma et montyet sus son roncin et vayt s'en a l'aygui. Et chascuns li dit que ay piririt quant que il metri en l'aygui. Et il comandiet as meynenz que il missant la soma premeri en l'aygui que portavet los tres seins cors. Et tantot li aygui se descreyssit si fort que ay lor eret vis que li aygui s'en entrat en terra et que illi remanit desus, et passont s'en outra, a bein po que ne venit li aygui a nient.
Quant co viront li escuir se lo segont et furont se ebay que non saveont ont il erant. Et tantot li aygui se criut.
Quant il venit encontres Tullins il trovet una atra aygua que dessent de les montaygnes que eret for rives, per les granz ployves que erant faytes, et charreyevet ceuz ruysseuz arbres et tronches que erragievet en la montaygni dont il dessent. Et aveyt iqui jota lo gaz tres charretes chargies de sal que non osavont passar.
Quant co vit li vicayros, il comandyet que on mit la soma premeri en l'aygui. Quant li someri se mit en l'aygui, li aygui se bassyet tant que ne venit plus aut de me chanba a la someri.
Apres co, cel memo jor, a un autro ruysel ou li aygui aveit derochia la planchi, se desviet li soma per sey per un sentier estreyt qui vait per les vignes. Quant ot ala lo trayt de una arbaresta se se deviet vers lo ruysel et de qui non se muit per ferir que un li fit. Quant co vit li vicayros se comandiet as meynenz que serchessant encontres la soma. Aynsi il trovaront una grant pos que li aygui aveit gita entre les boyssons, que gitaront per sus lo ruysel. En co que l'ouront arria, li someri per se mema passyet tota premeri et tuyt li autri
apres.
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Cette sainte créature, Béatrice d'Ornacieux, et une autre de la famille de Sassenage et une autre de la famille des Alleman du Grésivaudan, à ce que j'ai entendu dire (je n'ai pas pu savoir le nom de ces deux dernières au moment où j'écrivais cela), descendirent de Parménie avec les autres que l'ordre envoya à Eymeux, pour y fonder une maison nouvelle. Plus tard les religieuses quittèrent ce lieu, car il était trop au milieu des gens du siècle, et elles retournèrent à Parménie, sauf ces trois créatures qui étaient déjà trépassées et ensevelies l'une à côté de l'autre dans le cimetière de cette maison d'Eymeux.
Mais ensuite, Dieu réglant les choses comme il lui plaît, quelques religieuses de Parménie, sous l'inspiration de Notre-Seigneur, ou de ces trois sœurs, comme je le crois, vinrent trouver la prieure et le vicaire appelé dom Roz de Charis (autrefois moine de Valbonne, et aujourd'hui de Sainte-Croix) et leur dirent qu'il fallait absolument qu'on allât chercher les ossements de ces trois saintes créatures, et elles ajoutèrent beaucoup d'autres paroles.
Quand ledit vicaire vit qu'il fallait agir ainsi, il alla en ce lieu et il en résulta pour lui beaucoup de dangers et de fatigues, avant que ceux qui gardaient le lieu d'Eymeux voulussent lui laisser ce qu'il demandait et que l'évêque de Valence voulût bien donner des ordres. Toutefois cela se fit comme Dieu l'avait ordonné.
Le vicaire arriva, il retira les ossements de ces trois saintes créatures, il les mit dans un sac et les chargea sur une ânesse ; quant aux ossements du seigneur de Tullins et de plusieurs autres il les mit sur une jument, et puis il s'en alla.
Quand il arriva au gué de Tèches, il y trouva deux écuyers de la maison du Dauphin qui avait été là tout le jour, il était midi, car ils ne pouvaient passer la rivière qui avait débordé de son lit ; il avait plu, sans cesse, trois jours et trois nuits. Il dîna là avec les deux écuyers. Mais pendant qu'il disait ses heures, avant dîner, auprès des saints corps, il leur demanda, si elles voulaient être transportées à Parménie, de faire baisser l'eau de telle sorte qu'il pût la passer sans péril ; sinon il les ramènerait à l'endroit d'où il les avait retirées, car il n'avait pas assez d'argent pour séjourner en cet endroit ou pour aller ailleurs.
A l'instant la pluie redoubla. Alors ils burent un coup rapidement, puis il chargea sa jument et son ânesse, monta sur son cheval et se dirigea vers la rivière. Et chacun lui dit tout ce qu'il mettrait à l'eau périrait. Il commanda aux conducteurs de mettre à l'eau en premier lieu, l'ânesse qui portait les trois saints corps. Et aussitôt l'eau décrut à tel point qu'il leur semblait que l'eau entrait dans la terre et que la terre émergeait. Ils passent de l'autre côté, peu s'en fallait que la rivière ne soit à sec.
Quand les écuyers virent cela, ils le suivirent et furent si ébahis qu'ils ne savaient où ils étaient. Et aussitôt l'eau monta.
Quand il arriva devant Tullins, il trouva un autre cours d'eau venant des montagnes, qui avait débordé à cause des grandes pluies qu'il y avait eues, et ce ruisseau charriait des arbres et de grosses souches qu'il avait arrachés dans la montagne d'où il descend. Et il y avait là à côté du gué trois charrettes chargées de sel qui n'osaient pas passer.
Quand le vicaire vit cela, il commanda que l'ont mît l'ânesse la première à l'eau. Quand l'ânesse se mit à l'eau, l'eau baissa à tel point qu'elle ne lui vint pas plus haut qu'à mi-jambe.
Ensuite, le même jour, à un autre ruisseau, où l'eau avait arraché la planche, l'ânesse se dévia d'elle-même par un étroit sentier qui va à travers les vignes. Quand elle eut avancé d'une portée d'arbalète, elle se dévia vers le ruisseau et ne bougea plus de là, en dépit des coups qu'on lui donna. Quand le vicaire le vit, il ordonna aux conducteurs de chercher près de l'ânesse. Ainsi ils trouvèrent une grande planche que l'eau avait jetée dans les buissons, et ils la jetèrent par-dessus le ruisseau. Quand ils l'eurent disposée, l'ânesse passa d'elle-même la première et tous les autres après.
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